J'ai encore eu droit à ces regards et soupirs...
J’ai peur de guérir et d’ailleurs, je ne suis plus sûre d’y être prête, mais personne ne peut comprendre à part une malade.Comment ne pas vouloir sortir d’un état de souffrance ?
Et bien voilà, c’est peut-être honteux, peut-être décevant mais j’ai peur, je ne me sens pas prête à guérir.
J’ai vécu avec ces maladies si longtemps, j’ai trop peur sans elles et en même temps je suis morte de peur avec elles.
Comment expliquer ça ? je ne sais pas…
J’ai peur de perdre une partie de mon identité, j’ai peur de grossir, j’ai peur d’être encore plus seule.
Je vis recluse et isolée par ces maladies et pourtant j’ai peur d’être encore plus seule sans elles…Comment expliquer ça ? je ne sais, pas, je n’arrive pas à me comprendre. Ces maladies m’accompagnent, elles me font souffrir et pourtant me distraient. Oui c’est horrible à dire, mais en me concentrant sur mon corps sur les mêmes obsessions, j’oublie, je noie les autres…
J’ai peur de faire sans l’anorexie, sans la boulimie, j’ai peur de ne plus contrôler mon corps, d’être désarmée…
Je suis déjà tellement seule et incomprise avec ces maladies alors si elles ne sont plus là pour m’accompagner…
Non, je ne suis pas prête. J’ai déjà guéri plusieurs fois mais là, je ne peux pas, pas pour l’instant.
Ces six derniers mois ont été très durs. J’ai dû maigrir, faire un régime en contrôlant le retour de l’anorexie et en essayant de minimiser la bv, ça a été très dur.
J’ai réussi à perdre 29 kilos sans que l’anorexie, purement restrictive, l’anorexie odieuse soit là mais m’en séparer totalement, non je ne peux pas, j’ai encore du poids à perdre…
Je suis persuadée qu’une fois amincie en ayant retrouvé un poids correct, je serai prête à guérir mais non pas maintenant. J’ai trop peur de m’arrêter avant d’être mince et de devenir suffisante.
J’en ai assez de ces regards et soupirs quand je dis que je ne suis pas prête à aller voir un psy, qui disent « oui, enfin, il faut savoir ce que tu veux aussi » ou « il y a un moment où il faut grandir un peu »…
Mais qu’en savent-ils ?
J’en ai assez de ces regards et voix d’ailleurs qui me disent « quoi, mais tu as perdu énormément, c’est dangereux, c’est anormal, presque 29 kilos en 5 mois ½, c’est de la folie tu vas tout reprendre »
J’en ai assez, j’ai prit ces kilos à cause d’antiépileptiques, je n’ai pas changé grand chose à ma manière de manger, rien que la suppression de ces cachets est pour 95% du fait que j’ai maigri.
Mais voilà, je ne vois toujours rien, 29 kilos c’est beaucoup pourtant, mais non je ne vois rien… et si je ne voyais rien, même à 50 ???
Je n’ai pas comprit et je ne comprendrai jamais. Ces cachets m’ont fait énormément grossir, eux et les opérations chirurgicales. Je suis passée de 34 kilos à 55 en 6 mois puis de 55 à 100 en 2 ans… ce qui fut donc extrêmement traumatisant. Pourtant même à 34 kilos je me voyais grasse et obèse. Je ne suis jamais assez mince, tant qu’on me voit, on en voit trop.
Une chose est sûre, tant pis si je déçois, tant pis si on ne me comprend pas, je n’irai pas voir de psy pour l’instant, non je ne suis pas prête à guérir, je bricolerai au jour le jour en attendant. Mais dès 50 kilos, j’irai consulter car la dangerosité sera là, je n’arriverai plus à m’arrêter toute seule…
Je ne verrai jamais de fin à cet amaigrissement… je pense être plus raisonnable qu’avant, j’essaierai de prendre sur moi pour apprendre à accepter cette prison de chair mais je n’ai plus envie d’aller si loin que je suis déjà allée.
Je me rappelle la douleur horrible quand je marchais, quand la semelle de la chaussure claquait contre le talon décharné, je ne pouvais plus marcher, plus tenir debout, je n’avais plus de muscles et j’arrivais à peine à respirer…
Ca je ne le veux plus mais je ne me sens pas capable de m’accepter telle que je suis si je ne suis pas mince aux yeux des autres au moins…
Non, me séparer de ces maladies, c’est trop dur, pas tout de suite.
Je me sers de ces maladies comme des armes, comme des barrières de protection, là je serai seule…
Je ne peux pas et tant pis pour ce que pensent les autres, ils ne peuvent pas comprendre…